L’autre rêve de Sophie

Sophie rêve encore et toujours de karaté. Cette fois la situation est tout aussi cocasse que dans son précédent rêve ; on pourrait même dire qu’il lui fait écho.

Mon rêve de karaté

Dans mon rêve de karaté, tout va bien, du moins au début. Je suis en avance au dojo et j’en profite pour travailler mes katas. Le temps que je parvienne à PINAN SANDAN, mes trois senseis sont arrivé·es et discutent, dans un coin, du programme de l’entraînement.

J’entame tranquillement PINAN YONDAN, pas si tranquillement, à vrai dire, car depuis quelques secondes je sens peser comme un poids entre mes deux omoplates. Je connais cette sensation. Cela veut dire que mes senseis sont en train de me regarder. Avec insistance. Je vérifie discrètement ma jambe arrière : elle est tendue, ce n’est pas ça. Qu’est-ce que j’ai encore fait ? Je finis mon kata, je le ferme, je salue, l’air de ne pas voir que trois paires d’yeux me contemplent. « Sophie » dit Sensei numéro 1. Je ne peux plus reculer, illes m’appellent. Illes n’ont pas l’air furieux. Mais embêté·es. Oui c’est ça : mes senseis sont embêté·es.

Je me demande in petto s’il y a une limite d’âge pour pratiquer le karaté et s’illes vont m’annoncer que j’ai passé la date de péremption, ou autre nouvelle pénible à annoncer. « Sophie », dit Sensei numéro 2, « Rien de grave, mais on a un petit problème avec ta ceinture blanche ».

— Ma ceinture blanche ?

— Oui, renchérit Sensei numéro 3. On était en train de regarder et il semblerait que tu n’aies jamais passé ta ceinture blanche.

J’essaie de ne pas bredouiller.

— C’est-à-dire j’ai passé la blanche supérieure, comme tout le monde.

— Oui nous le savons, dit Sensei 1 en regardant un grand registre poussiéreux .  On te parle de la blanche, la première ceinture. Tu l’as portée, n’est-ce pas ?

— Oui, au début.

— Au début, oui, mais avant ?

— Avant ?

— Avant, est-ce que tu as passé ta ceinture blanche ?

— Est-ce que tu as passé l’examen t’autorisant à porter la ceinture blanche ? explique, pédagogiquement, Sensei 3.

Je rougis ou plutôt je blanchis. Je ne savais pas. On ne m’a jamais dit que je devais faire un passage de grade pour ma ceinture blanche, et maintenant tout est à recommencer, ou peut-être que je vais être accusée de fraude, virée du dojo pour non passage de ceinture blanche.

Mes trois sensei me regardent,  attendent une explication.

Mais je ne dis rien.

Parce que c’est vrai, illes ont raison : je n’ai jamais passé ma ceinture blanche.

C’est à ce moment-là que j’ai jugé plus raisonnable de me réveiller, et vite encore.

Sophie R., novembre 2024