Anne, la danse et le karaté

Lors du quizz de Sophie, ma réponse à la question : « quelle activité artistique se mariait le mieux avec la pratique du karaté ? » Le parallèle s’est fait naturellement avec la danse classique que j’ai commencée il y a deux ans.

Le karaté et la danse classique sont des pratiques issues d’une histoire longue et une tradition qui nécessiteraient un autre article 🙂. La philosophie et la réflexion peuvent même s’inviter dans la pratique du karaté avec le concept de Do et les principes de notre Dojo. Le karaté est un sport et la danse une pratique artistique, mais ils se rencontrent sur la rigueur, la répétition du geste, la concentration et l’esthétique.

Le karaté rejoint la danse dans la pratique et l’exécution des katas. Les katas sont des enchainements d’attaques, des blocages et positions qui s’enchainent dans un ordre et un timing strict. Nous nous approprions les éléments de la suite de mouvements et de positions lors des kihons que nous répétons pour parfaire l’exécution des gestes et la coordination pieds/poings.

Si, je fais le parallèle avec la danse classique, le kihon serait les gammes que nous faisons à la barre pour apprendre les positions de bases de pieds, de bras. Dans les deux cas, l’espace restreint est l’occasion appréhender avec précision les mouvements de base, nettement individualisés ou en combinaison. La barre nous restreint à l’espace une longueur de bras légèrement plié qui se tient à la barre et le kihon à la longueur de la salle ou à l’espace d’un carré en multidirectionnel.

Exemples de positions de base travaillées à la barre en danse classique
Travail à la barre en danse classique

L’appréhension de l’espace est aussi une vertu des exercices “statiques” de la barre et du kihon. Apprendre à faire les mouvements à droite puis à gauche, changer de direction, faire de la coordination en travaillant avec la jambe et le bras opposé.

Une différence notable entre la barre et le kihon est qu’au karaté nous travaillons au poids du corps sans soutien. En danse classique, la barre nous aide à sentir et trouver la forme du mouvement sans se préoccuper de l’équilibre dans un premier temps.

Au karaté la pratique des mouvements de base se fait déjà “en conditions réelles” il n’y a pas d’étape intermédiaire pour les assembler dans un kata.

En danse classique, il y a d’abord le milieu où nous pouvons exécuter les mouvements appris à la barre en les combinant dans de petits enchainements (adages, variations) et en travaillant dans plusieurs directions de l’espace mais cela reste encore loin d’une chorégraphie entière. Le travail de répétitions et la discipline sont plus conséquents pour aboutir à un ensemble harmonieux et joli à regarder. Les chorégraphies en danse sont plus longues et impliquent un travail de groupe plus important. Les tableaux s’enchainent, les rythmes changent et l’interprétation et l’expression tiennent aussi une place prépondérante.

Au karaté, l’espace créatif me semble plus restreint. L’exécution d’un kata reste un cérémonial codifié et très martial. L’espace de créativité et d’interprétation s’ouvre avec le bunkaï qui fait partie intégrante du kata par équipe. Le bunkaï donne de la vie au kata par supplément de mouvement et une ouverture vers l’altérité en travaillant avec ses partenaires de katas. Les automatismes acquis par la répétition des mouvements ouvrent des possibilités et des variétés d’application dans des situations d’attaque.

Trois mises en scènes et interprétation du ballet Don Quichotte

De ma perspective, la danse classique me semble plus difficile que le karaté mais j’y trouve la même exigence et l’amour du geste bien exécuté et beau. La discipline et les répétitions sont indispensables pour maitriser les gestes et arriver à de beaux enchainements. Le travail de la concentration et du souffle prenant ici toute son importance, comme dans bien des sports !

Ces deux activités m’apportent la rigueur et le challenge, tout en me faisant évoluer et progresser sur le travail du souffle et de la fluidité, sur le dosage entre la force et la souplesse, lâcher à certains endroits pour aller vers plus d’harmonie et de maitrise. L’image qui me vient au moment de conclure cet article est celle du yin et du yang, comme une quête d’équilibre entre les polarités qui existent en moi.

Anne, avril 2024